L`Intermède
Szépművészeti, exposition, renaissance, budapest, musée des beaux-arts, dame à lhermine, léonard de vinci, botticelli, titienSept Renaissances en une : de Botticelli au Titien
Les chefs-d’œuvre de deux siècles de la peinture italienne sont exposés au Szépművészeti, Musée des Beaux Arts de Budapest, en Hongrie, pour une exposition-fleuve.

Voilà plusieurs mois que le profil de La Dame à l’hermine se dresse dans chaque recoin du métro de la capitale hongroise, et que les journaux ressassent la prime d’assurance de la toile de Léonard de Vinci. La campagne publicitaire de l'exposition De Botticelli au Titien s’inscrit dans une démarche de promotion de la culture : le Szépművészeti, à Budapest, demeure en effet un pionnier dans la démocratisation de la vie muséale en Hongrie.
 
S'il existe quelque part à l'Est un petit frère du Louvre parisien, il s'agit assurément du Szépművészeti. Sa collection, comme celle de son grand frère, offre un vaste panorama de l’histoire de l'art, de l'antiquité au XIXe siècle ; et le bâtiment, d'un style néo-classique imposant, recèle quelques immenses trésors de la culture mondiale. Il est également le seul musée de Hongrie à organiser des expositions si spectaculaires qu'elles parviennent à attirer des centaines de milliers de visiteurs, fait unique dans le pays.

La Renaissance est, depuis quelques années, un sujet très en vogue dans les musées européens : le Louvre expose en ce moment les Rivalités à Venise (lire notre article), le musée du Luxembourg présentait Titien, le pouvoir en face en 2006, et Londres proposait l'an dernier des Portraits de la Renaissance au sein de la National Portrait Gallery. Budapest n'échappe pas à cette tendance. La Hongrie a d'ailleurs dédié l’année dernière à la Renaissance et le Szépművészeti a proposé à cette occasion une exposition sur les Médicis. Cependant, si les musées européens se concentrent sur une facette précise de la Renaissance, le Szépművészeti veut, avec cette nouvelle exposition colossale, présenter cette mouvance de manière exhaustive : tous les styles, toutes les écoles, tous les artistes se retrouvent en un seul et même endroit.

L'espace labyrinthique se compose de sept sections dont le fil conducteur peut paraître obscur. Les quelque 130 oeuvres sont réparties selon divers critères : techniques, thématiques, géographiques ou encore formels, démontrant l’hétérogénéité de la Renaissance. Et proposent une approche variée de ce phénomène à la fois intellectuel, artistique, culturel, et social complexe qui a marqué l’histoire de la civilisation européenne.
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A la Renaissance, les découvertes techniques concernant l’optique, la perspective, ou encore l’anatomie ont entretenu la concurrence entre peinture et sculpture. La représentation de l'espace joue un rôle essentiel dans cette approche quasi scientifique de la peinture, et les paysages urbains démontrent parfaitement la virtuosité de ces peintres qui ne se considèrent plus comme de simples artisans, mais comme des artistes maîtrisant le "disegno" - "dessin", c'est-à-dire la capacité de prévoir l’œuvre, son dessin et sa structuration. La première toile, de Paolo Uccello, Scènes de la vie monastique, représente un espace presque irréel dans lequel le regard, parcourant la toile dans tous les sens, se perd. Dans le Saint Augustin de Botticelli, l’espace architectural, très structuré, s'organise en fonction du point de vue du spectateur. Pièce exceptionnelle, la Madone à l’enfant avec un ange (1467), l’une des oeuvres les plus précoces de Botticelli, encore chargée de l'héritage des grands maîtres, laisse entrevoir la force expressive du dessin et de la ligne, propre au Florentin.

Dans les tableaux des grands maîtres, les formes géométriques simples (triangle, ligne droite) sont combinées avec le dynamisme des figures ; la composition, très complexe, est toujours minutieusement organisée. Grâce à la technique du "sfumato", les peintres atteignent le point culminant de la vivacité, de la vacillation de la figure, et la toile traduit les frémissements intérieurs de La Dame à l’Hermine. Titien traite le regard, la vision, et l’image, avec une modernité qui n'est pas sans annoncer les techniques optiques des impressionnistes. Dans son sillage, c’est l’école de Venise qui est présentée : Tintoret, Véronèse, Jacopo da Ponte, tandis que les artistes de Brescia et de Bergame annoncent un nouveau concept de beauté, une voie alternative à celle de Florence. La parenté avec l’art gothique (de Carlo Crivelli par exemple), et les variantes régionales (Nord de l’Europe) ou individuelles (Bartolomeo Veneto, Flore) de peintres moins connus constituent un point de comparaison intéressant pour les œuvres dites majeures.
 
La section consacrée aux courants "marginaux" de la Renaissance pose la problématique la plus originale de l’exposition, et, au delà du simple élargissement géographique et stylistique, interroge avec pertinence les canons de la Renaissance. Elle suggère ainsi une re-naissance du discours sur ce phénomène artistique complexe. Pourtant ce questionnement tourne court, et les autres sections abordent la Renaissance selon des thématiques plus convenues. Ainsi, est notamment évoqué l’art du portrait. Entre idéalisation et réalisme, Szépművészeti, exposition, renaissance, budapest, musée des beaux-arts, dame à l`hermine, léonard de vinci, botticelli, titiences figures possèdent des couleurs brillantes, et des contours nets inspirés de la modélisation sculpturale. Les visages peints par Botticelli, d'une beauté céleste, ouvrent la voie de l'éternité, mais demeurent inaccessibles, mystérieux, tandis que ceux de Raphaël (Saint Sébastien, Christ bénissant) s'offrent, limpides et généreux.

L'exposition, aux airs dogmatiques de leçon d'Histoire de l'art, se clôt évidemment sur la "Crise de la Renaissance" et le "Maniérisme" qui mettent un terme à l’optimisme humaniste, et inaugurent une esthétique de dysharmonie agitée et visionnaire. Le regard de La Dame à l'hermine, au fil des trop nombreuses décennies que le Szépművészeti brasse, perdrait presque de sa vivacité.
 
Agnès Ivan, à Budapest
Le 13/12/09


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De Botticelli au Titien, jusqu’au 14 février
Szépművészeti
Dózsa György út 41
1146 Budapest
mar-dim: 10h-18h
Tarif plein : 3200 HUF
Tarif réduit : réduit 1600 HUF.
Rens : +36 1 469 7100













 
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Crédits et légendes photos :
Vignette sur la page d'accueil : Tiziano Vecellio: A kesztyűs férfi, 1520–1523 Paris, Musée de Louvre © RMN / Thierry Le Mage
Image 1 Leonardo da Vinci: Hölgy hermelinnel, 1490 körül Krakkó, Czartoryski Alapítvány, © Joseph S. Martin/ARTOTHEK
Image 2 Francesco Parmigianino: Venus lefegyverzi Amort, 1527–1530 körül (c) Budapest, Szépművészeti Múzeum, ltsz. 1890
Image 3 Turner: A vámház és a Santa Maria della Salute-templom Velencében, 1843 (c) National Gallery Art, Washington DC
Image 4 Bartolomeo Veneto, Flóra, 1520–1525 körül Frankfurt am Main, Städel Museum © Städel Museum /ARTOTHEK