d'une part, rejets et résistances de l'autre. Jusqu'au 14 février, à travers plus de cent cinquante oeuvres majeures, le musée du Louvre conte comment, entre 1730 et 1790, la peinture et la sculpture, mais aussi l'architecture et l'artisanat, n'ont cessé, paradoxalement, de se renouveler en revenant à l'art antique, pour le recréer ou le conjurer. Rappelant, une fois de plus, que la naissance d'une modernité passe toujours par un travail sur l'ancien.
Cette passion pour l'antique n'épargne aucun domaine artistique. Témoin, la multitude de statues de marbre blanc reprenant lignes fluides et pures, à l'instar du Mercure attachant ses talonnières, présenté en 1744 par Pigalle (1714-1785), dont les traits rappellent la beauté idéale des dieux de l’Olympe, ou encore la Psyché abandonnée (1795, huile sur toile) de David (1748-1825) qui montre une jeune femme au visage harmonieux malgré ses larmes qui coulent, et où la nature idéale est parfaitement suggérée par l'aspect inachevé du tableau grâce à une technique de frottis. L'architecture, avec pour figure de proue l'architecte, dessinateur et graveur Piranèse (1720-1778), montre également l'étude attentive des témoignages laissés par les constructions antiques, et se réalise à travers de nombreux projets de prisons, de bâtiments militaires ou de monuments aux grands hommes où l'on reconnaît la solennité des Anciens - comme pour le Projet pour un fort (lavis) d'Etienne Louis Boullée (1728-1799), à l'architecture imposante, un immense bouclier d'Achille venant fermer la porte centrale. La multitude de projets d'intérieurs en est un autre exemple, telle cette Élévation du mur de la salle à manger de Kedleston Hall (1762, dessin), réalisée par Robert Adam (1728-1792), où la disposition de l'argenterie n'est pas sans rappeler celle d'un autel grec pour un sacrifice. Et cette passion pour l'antique ne se limite pas au domaine des beaux-arts : l'artisanat est lui aussi conquis par cette vague du renouveau par l'ancien, ce dont témoignent tables, consoles et chaises, tel ce Fauteuil à l'étrusque (1787), meuble en acajou réalisé par Georges Jacob (1739-1814) pour la laiterie de Marie-Antoinette dans le domaine de Rambouillet. L'objet témoigne d'un souci archéologique, illustré par la reprise de motifs anciens (imitation de la forme en X du siège curule, motif de croisillons à l'antique et de palmettes ajourées).
continuent de vivre à travers de nombreuses œuvres néobaroques, telle la statue de Neptune (1767, marbre) réalisée par Pajou (1730-1809), qui fait bouillonner aux vents des océans la draperie entourant le dieu au corps animé d'une vive torsion. Le néomaniérisme prolonge le maniérisme italien, comme dans l'Achille confié au centaure Chiron (1760, huile sur toile) de Pompeo Batoni, où le respect scrupuleux de l'art antique s'efface au profit de l'adoption de lignes serpentines et de coloris clairs, inspirés de la maniera italienne du XVIe siècle, dont Raphaël, le Parmesan ou le Corrège sont parmi les représentants les plus illustres.
Malgré des oppositions indéniables, un même mouvement de re-création vient néanmoins relier ces courants. De fait, chacun montre comment des artistes ont travaillé la matière du passé pour l'adapter à leur propre vision. Les puissants tableaux de Füssli (1741-1825), comme Satan et Ithuriel (encre) ou bien Othar sauvant Siritha du géant (encre) puisent ainsi dans les sources d'une mythologie celtique et biblique, animant ses sujets d'une force inspirée justement par les théories du sublime : le passé est revu à l'aune d'une conception philosophique propre au XVIIIe siècle. De la même façon, l'Antiquité que représente un David ou un Greuze (1725-1805), et plus particulièrement la peinture d'Histoire, ne dérive pas uniquement des peintures antiques dont la qualité parfois médiocre (la perspective, le volume ou le clair-obscur y étaient encore peu maîtrisés) a poussé les artistes à représenter le passé à partir d'autres références moins anciennes. 