L`Intermède

Histoire(s) tentaculaire(s)
Pourquoi les X-Men, Superman, Spiderman et autres super-héros sont-ils tousBrigade chimérique, grand prix, imaginaire, saint-malo, festival, prix, grand prix de l`imaginaire, récompense, analyse, critique, interview, étonnants voyageurs américains ? Qu'est-ce qui a empêché l'émergence d'une véritable littérature de comics en Europe ? C'est la question qui sous-tend la bande-dessinée La Brigade chimérique, dont les six tomes ont été publiés chez l'Atalante de 2009 à 2010. Elle a clos son cycle en décembre dernier et voit aujourd'hui paraître aux éditions Sans-Détour L'Encyclopédie et le Jeu de rôle permettant la mise en scène créative des lieux, des concepts et des personnages de La Brigade. Ressusciter l'imaginaire de l'anticipation française des décennies 1920 et 1930 et faire revivre les années folles par le prisme créatif du "radiumpunk", telle est l'originalité de l'oeuvre de Serge Lehman, Fabrice Colin et Gess. Décryptage et rencontre avec les auteurs.

Serge Lehman, connaisseur érudit de l'anticipation française des années 1920 et 1930, auteur en 2006 de l'anthologie Chasseurs de chimères, songe entre 1998 et 1999 à un roman uchronique consacré à la création de la ville de Métropolis. Alors plongé dans la lecture d'Alan Moore et sa Ligue des Gentlemen extraordinaires, le romancier français concrétise cette idée initiale en la transposant dans la bande-dessinée avec l'aide de Fabrice Colin et de Stéphane Girard (Gess), le dessinateur de la série de science-fiction Carmen Mac Callum, en reprenant l'idée de comics à la française. La création de La Brigade chimérique répond à une question restée sans réponse jusqu'à présent : pourquoi les Européens, à l'exception peut-être des Britanniques, ne créent-ils pas d'histoires de super-héros ? La Brigade chimérique se réapproprie cet espace créatif vacant : elle narre la disparition des surhommes européens durant l'entre-deux-guerres, et met en scène de façon symbolique l'amnésie culturelle qui a occulté longtemps toute l'anticipation française populaire de cette période. Serge Lehman va jusqu'à parler de "processus de type psychanalytique" : "En faisant face à un événement oublié, nous pouvons nous sentir enfin libres d'écrire des histoires de super-héros." En comblant ce manque inconscient dans la brigade chimérique, bande dessinée, jeu de rôle, l`encyclopédie, serge lehman, fabrice colin, stéphane gess, hypermonde, science-fiction, super-héros, radiumpunkla mémoire littéraire collective il s'agit également de ressusciter l'imaginaire science-fictif de l'entre-deux-guerres : "Si La Brigade est fertile, elle suscitera un intérêt autour de la science-fiction française et européenne de l'entre-deux-guerres, poursuit l'auteur. Elle en rendra les grands auteurs et les grands textes plus familiers, plus proches… Elle montrera les connexions que tout le monde pressent sans parvenir à les désigner clairement. Elle rétablira une intimité que nous n'aurions jamais dû perdre. Il ne s'agit pas de revenir en arrière, ni d'oublier les limites du roman scientifique, que la SF américaine a heureusement fait voler en éclats. Mais de nous réapproprier affectivement ce lieu culturel, de nous y sentir chez nous au lieu de vivre dans l'idée que nous nous y sommes invités après-coup."
 
L'écrivain explique sur le site de La Brigade chimérique qu'il avait "un titre, sans savoir exactement ce qu'il recouvrait : La Brigade chimérique, hommage condensé aux Brigades du Tigre et à l'usage particulier que les auteurs d'avant-guerre faisaient du mot 'chimère', qui collait assez bien." En fin de compte, ce titre sera un hommage à deux oeuvres, la saga de L'Homme chimérique de l'énigmatique auteur George Spad qui aurait été publié en 1919 et L'Enigme de Givreuse de J. H. Rosny Aîné, édité en 1917. Trois problématiques communes traversent ces romans et sont à l'origine de la création de la Brigade chimérique : le traumatisme de la Première guerre mondiale sur l'imaginaire européen, les mutations sur les soldats engendrées par l'emploi d'armes nouvelles dans les tranchées, et l'absence de maîtrise de cette énergie nouvelle, le radium. Les deux romans explorent une expérience commune de séparation moléculaire. Dans L'Homme chimérique, le Capitaine Jean Brun de Séverac disparaît dans des nappes de gaz pour réapparaître sous la forme de quatre personnages inanimés mais vivants, baignés par un nuage de vapeur luminescente : "Un adolescent aux yeux clairs, un géant brun, barbu et chevelu comme Roland à Ronceveaux, un homme sans âge, chauve, d'une maigreur de squelette et une femme qui ressemblait beaucoup à Patricia Owens." Quant à Séverac, il n'est "visible nulle part." Dans L'Enigme de Givreuse, le héros Pierre de Givreuse se retrouve également scindé en deux entités amnésiques.

Si Rosny consacre l'essentiel de son roman à une méditation sur la mémoire, le récit du mystérieux George Spad ouvre une perspective tout à la fois fantastique et science-fictive car les entités nouvellement créées représentent chacune un élément essentiel de la personnalité du médecin militaire Jean Séverac. Ces quatre personnages chimériques aux pouvoirs extraordinaires et démultipliés deviendront quelques années plus tard les héros d'un feuilleton, Les Pirates du Radium, écrit par un auteur ou des auteurs dissimulés sous le pseudonyme de Georges Spad. La série se terminerait en 1934 sur l'annonce d'une nouvelle aventure, jamais publiée (ni écrite ?), La Brigade chimérique contre Docteur Mabuse. C'est à partir de là que l'histoire reprend sous la plume de nos quatre "auteurs chimériques" : Serge Lehman, Fabrice Colin, Gess et Céline Bessonneau.
 
la brigade chimérique, bande dessinée, jeu de rôle, l`encyclopédie, serge lehman, fabrice colin, stéphane gess, hypermonde, science-fiction, super-héros, radiumpunkToute l'action de la bande-dessinée, dont la narration reste elliptique, est éclairée par la parution de L'Encyclopédie chimérique et du Jeu de rôle aux éditions Sans-Détour : la Brigade chimérique et ses membres bienveillants (Le Soldat inconnu, Matricia, Sérum et le Baron Brun), nés dans un esprit élevé, cultivé et bon vont tenter de s'opposer à la prise de l'Europe par le Docteur Mabuse et ses alliés, Gog en Italie, La Phalange en Espagne et le trouble "Nous autres" à l'Est. Les composés chimériques de Séverac sont les antonymes d'un sous-lieutenant autrichien, artiste raté, qui a subi la même quadripartition dans les tranchées allemandes, se scindant en Docteur Mabuse, le Werewolf, l'Ange bleu et Gregor Samsa, alias Ashavérus le Juif Errant. L'Encyclopédie explique que ces entités opposées sont des êtres issus de l'Hypermonde - terme employé pour désigner l'inconscient collectif et ses strates narratives mythiques -, d'archétypes jungiens modelés par l'inconscient de Jean Séverac…et d'Adolf Hitler, même si le nom de ce dernier est toujours implicite dans le discours du Docteur Mabuse et ne réapparaît qu'à la fin du Tome 6 de la Brigade Chimérique.

L'Encyclopédie permet aux lecteurs de la bande-dessinée de saisir les non-dits d'une narration volontairement lacunaire, qui se donne à voir sous la forme d'un réseau de sens et de références. La notion de "Plasme" par exemple, cette représentation imagée de la superscience, est un élément d'arrière plan sous-tendant la structure de la réalité et n'existe pas dans la BD.  "C'est l'encyclopédie qui développe le concept de manière systématique, précise Lehman. La donnée fondatrice est très simple - à vrai dire, c'est presque un axiome : les histoires, dès lors qu'elles font l'objet d'une transmission, se déroulent au minimum dans la conscience de celui qui les reçoit. La vérité sur la nature des mondes narratifs (qu'ils soient fictionnels ou non), c'est que leur substance est mentale. Quand la Brigade met en scène l'Institut du Radium, rue d'Ulm, à Paris, ces entités - l'Institut, la rue, la ville - ne sont pas faites de matière mais de conscience. La question intéressante pour un auteur de science-fiction est : quelles procédures faut-il accomplir pour que ces entités tolèrent les métamorphoses et les prodiges qu'on leur inflige ? Que faut-il faire pour que la conscience qui les constitue ne se retire pas - pour que le lecteur continue d'y croire ? Les noms ont beaucoup à voir avec ça. Par exemple, l'Institut existe toujours aujourd'hui, mais il n'est plus 'du radium'. C'est simplement l'Institut Pierre et Marie Curie. Ce seul changement réduit la capacité du lecteur à accepter que ce lieu puisse être le théâtre d'événements extraordinaires ; c'est la force poétique du terme 'radium'. Autrement dit, dans les mondes narratifs, l'onomastique est une puissance capable de supplanter la physique. Le concept de Plasme est une tentative pour unifier ce genre de réflexions, pour créer un objet qui soit exploitable comme concept théorique et comme entité de fiction." Partant, L'Encyclopédie de la Brigade Chimérique parachève l'univers de la bande-dessinée en proposant aussi une chronologie précise de cette "histoire augmentée" et des chapitres biographiques consacrés à chaque personnage, à chaque grande cité européenne. Les auteurs de la bande dessinée ont participé à son élaboration en la préfaçant, en suggérant quelques lignes de développement et en relisant tous les textes écrits par l'équipe de Sans-Détour. Mais elle reste une création indépendante.

La Brigade Chimérique : un fantasme littéraire ?
Il apparaît assez nettement que La Brigade  la brigade chimérique, bande dessinée, jeu de rôle, l`encyclopédie, serge lehman, fabrice colin, stéphane gess, hypermonde, science-fiction, super-héros, radiumpunk semble être le lieu d'un "fantasme littéraire", une rencontre entre entités littéraires, auteur (George Spad), personnages (Jean Séverac) et éditeur (Louis Querelle). Sans doute une façon personnelle pour les auteurs de créer une dimension littéraire permettant la réunion impossible de tous les acteurs de la littérature, rejoignant les rêves de leurs lecteurs : "A partir du moment où le monde de la Brigade représentait la réalité historique augmentée de son imaginaire, comme si celui-ci était une force objective agissant sur le cours des événements, il était naturel de représenter les auteurs coexistant avec leurs personnages, dont ils deviennent pour ainsi dire les biographes", confirme Serge Lehman. Les romanciers des années 1920 et 1930 ont un rôle d'observateurs et d'archivistes dans le tome 5 : Régis Messac, Rosny aîné, Jean Ray, Jacques Spitz, Maurice Renard, René Daumal et même le jeune René Barjavel sont mis en scène dans le Club de l'Hypermonde. C'est la première fois qu'ils se retrouvent personnages des aventures qu'ils ont eux-mêmes créées. Le Club de l'Hypermonde est surtout "un hommage à Régis Messac. 'Les Hypermondes' était le nom de sa collection, créée en 1935 aux éditions de la Fenêtre Ouverte - la première collection de livres de science-fiction au monde puisqu'à l'époque, la SF américaine était encore un phénomène de presse. Il nous fallait un espace mythique où faire se rencontrer créateurs et créatures." En liant par ailleurs le sort de Régis Messac, déporté Nacht und Nebel à celui du personnage de Gregor Samsa, le "Cafard" dans le tome 5, La Brigade chimérique donne à ce personnage, entité issu de la quatripartition du sous-lieutenant Hitle, un sous-texte essentiel de la BD.

La présence d'Ashavérus le Juif Errant, qui deviendra Gregor Samsa, à l'initiative de cette mutation peut sembler paradoxale pour le lecteur, même s'il comprend que ce dernier pourrait représenter la part d'humanité subsistante chez Hitler : "Comme pour l'association M / Mabuse / Metropolis, c'est le sentiment de se trouver devant un réseau de liens invisibles, non-liés causalement mais significatifs. Sauf qu'ici, le sentiment ne vient pas de nous mais du philosophe George Steiner. Dans son essai Langage et silence, Steiner exprime son saisissement devant l'usage du mot allemand 'ungeziefer' par Kafka pour désigner Gregor Samsa après sa métamorphose. Ce mot ne signifie pas 'cafard' mais 'vermine'. Or, ce mot finalement assez rare est aussi celui utilisé par Hitler pour désigner les Juifs dans ses discours, et les placer ainsi par avance, presque subliminalement, dans le registre de l'extermination, de l'insecticide - c'est à dire des gaz. Steiner voit dans ce fait la preuve qu'Hitler savait dès le départ ce qu'il ferait une fois au pouvoir. A cette coïncidence s'ajoute celle d'autres textes de Kafka annonçant l'univers concentrationnaire nazi avec vingt ans d'avance, Le procès ou La colonie pénitentiaire…" Steiner affirme pourtant qu'Hitler n'a jamais lu Kafka, mais "il ne peut s'empêcher de penser qu'il y a là quelque chose de significatif" : "On a donc donné une forme objective à ce mystère et, comme pour les associations autour de M, les choses se sont organisées d'elles-mêmes. Faire de Kafka / Samsa une figure du Juif Errant était une évidence. C'est une figure morale, un surmoi, exactement comme le Soldat Inconnu pour Séverac. Que le Gang M se constitue sur sa répudiation à la fin de la Grande Guerre est une manière d'évoquer, non la part d'humanité subsistante chez Hitler, mais sa décision consciente de s'amputer lui-même de cette part, de se libérer de toute contrainte morale. Cela a également à voir avec l'imaginaire nietzschéen du surhomme, dont on peut dire qu'Hitler l'a réalisé non comme une métaphore, mais  la brigade chimérique, bande dessinée, jeu de rôle, l`encyclopédie, serge lehman, fabrice colin, stéphane gess, hypermonde, science-fiction, super-héros, radiumpunk comme un programme psychologique, en le prenant au pied de la lettre. Se libérer des idoles, de la morale, se situer volontairement ''par-delà bien et mal', c'est, pour Nietszche, devenir un surhomme. C'est-à-dire prendre conscience de la relativité des valeurs, de leur caractère historique, non absolu, mais une fois cette prise de conscience effectuée, d'être capable d'épouser à nouveau ces valeurs, non parce qu'elles sont prescrites de toute éternité, mais par choix. Hitler n'accomplit que la première partie de la transvaluation. Il fait sauter en lui les inhibitions morales et jouit de sa liberté sans retenue. C'est une définition du mal."
 
Ainsi La Brigade chimérique construit son univers par la réunion de personnages issus du monde de la littérature : le personnage du "Tribun", absent de la bd mais "inventé" par les auteurs de l'Encylopédie, fait explicitement référence à Léon Daudet ("fils d’un écrivain illustre, antidreyfusard notoire, proche de Charles Maurras, un physique rondouillard et une fine moustache") ; le collectif Nous autres reprend le titre de la contre-utopie d'Evgueni Zamiatine ; François Dutilleul le Passe-muraille est une variation du personnage de Marcel Aymé ; et Jules Maigret joue son propre rôle. En revanche, le personnage du Partisan dans la Guerre d'Espagne reste énigmatique. Se réfère-t-il à Georges Orwell et à son expérience de ce conflit ? Plusieurs indices semblent aller dans ce sens : un "héros sans pouvoir", égalitaire et surtout revendiquant comme Orwell, notamment dans ses écrits journalistiques, qu'il faut se distinguer de ses ennemis jusque dans sa façon de vivre et de lutter, refusant l'aide de Nous autres et ayant un léger accent anglais. Dans la bande dessinée, le personnage du Partisan est un pur archétype. Il n'apparaît que sur un poster, dans les souvenirs de George Spad et sur les quais de Londres à la toute fin. Il ne parle jamais. Ce sont les auteurs de Sans-Détour qui ont initié son développement, avec la touche orwellienne, confirmant avec cette ébauche la complémentarité du récit et de son Encyclopédie, véritables créateurs d’un nouvel univers né de l'anticipation, le Radiumpunk.

Une Histoire métaphorique et "augmentée"
Si l'on veut rester proche d'une définition générique, La Brigade Chimérique n'est ni une uchronie ni une histoire alternative, mais bien une métaphorisation de l'Histoire : celle qui en découle n'est pas à proprement parler alternative. Elle suit son cours, comme dans notre monde : Révolution bolchévique, République de Weimar, guerre d'Espagne, montée des périls... Les forces en présence sont vues à travers le prisme conflictuel superhéros / supercriminels ; il ne s'agit donc pas d'une histoire "travestie". Pour Serge Lehman, c'était d'autant plus évident que le thème du surhomme est une constante dans la science-fiction européenne de l'entre-deux-guerres : "Nous avons fait très attention à respecter la chronologie des événements, à ne pas dénaturer les faits, à ne pas les dissimuler ni surtout les instrumentaliser. Nous voulions donner corps à une intuition politique, éthique et esthétique que nous partagions tous sans être vraiment capables de la formuler. L'intuition que la deuxième guerre mondiale et son aboutissement terminal dans la Shoah avaient effondré une catégorie de l'imaginaire européen : la brigade chimérique, bande dessinée, jeu de rôle, l`encyclopédie, serge lehman, fabrice colin, stéphane gess, hypermonde, science-fiction, super-héros, radiumpunk tout ce qui touche au thème du surhomme." Avant 1939 ce thème était largement répandu dans la fiction du continent ; après 1945, seuls les Américains, et un peu les Britanniques, y puisent. "Que s'est-il passé entre les deux ? C'est ce que la Brigade essaie de montrer. L'Histoire représentée est donc plutôt métaphorique, ou mieux : augmentée. Elle donne à voir notre monde agi par son imaginaire."

Cette vision de l'histoire imagée et à travers un prisme imaginaire, cette galaxie de personnages créent un effet d'écho entre l'histoire et la perception que nous en avons, une histoire "réinventée" à l'aune des littératures populaires françaises d'anticipation des années 1920 et 1930. La création de la ville du Docteur Mabuse, Métropolis par exemple, n'est pas un calque du Berghof d'Hitler dans les Alpes autrichiennes. Ce fut plutôt "une évidence intuitive, comme le passage du surhomme nietzschéen au superhéros moderne. Nous connaissions les contenus implicites des films de Fritz Lang sur le nazisme, d'ailleurs ressentis par les nazis eux-mêmes - mais 'à l'envers', en quelque sorte, puisque Goebbels avait proposé à Lang d'être le cinéaste officiel du régime. Il n'était pas difficile d'associer Mabuse et M le maudit sous ce registre. L'initiale M était également celle de Metropolis, le premier film à montrer une architecture fantasmatique de grande envergure. Or, les fantasmes architecturaux sont l'un des traits bien connus de la personnalité d'Hitler. Et Metropolis est, aux Etats-Unis, la ville de Superman…".

Les superhéros européens, menés par Marie Curie, son Institut du Radium et la Superscience, Andrew Gibberne l'Accélérateur, Léo Saint Clair le Nyctalope, Félifax, Pierre de Givreuse ou encore François Dutilleul le Passe-Muraille et Jean Lebris l'Homme truqué représentent symboliquement, à l'échelle de l'Histoire des années 1930, les efforts, les volontés mais aussi les impuissances et les lâchetés qui ont mené au second conflit mondial. Le cas du Nyctalope est exemplaire : désigné par Marie Curie comme le nouveau protecteur de Paris après la mort de cette dernière, fondateur du Comité d'Information et de Défense (CID), ce gentilhomme justicier de l'avant-guerre capable de voir dans l'obscurité est rongé par la culpabilité. Ayant trahi sa promesse à Marie Curie de protéger l'Espagne, son tourment se traduit par une hostilité ouverte envers Irène et Frédéric Joliot-Curie, alliés des américains. De même le Golem, l'homme d'argile du rabbin Loew, dernier survivant de l'Âge magique européen, finit par quitter le continent européen, protégé par Steele, le futur Superman. Or le Golem est l'antithèse du Nocturne, de l'anti-être développé par Mabuse ; il cristallise la sagesse et l'essence du Judaïsme qui n'a plus sa place en Europe, alors que démarre à la fin du Tome 6 de La Brigade le règne du Gang M. La "Tête" arrive, progressivement confondue dans le dessin de Gess avec l'entrée du camp d'Auschwitz, le personnage de George Spad disparaît alors dans la foule des déportés.
 
Natacha Vas-Deyres
Le 03/01/11
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La Brigade chimérique, bande dessinée, tomes 1 à 6
Serge Lehman, Fabrice Colin, Stéphane Gess et Céline Bessonneau
Editions de l'Atalante
2009-2010

L'Encyclopédie de la Brigade Chimérique
Romain d'Huissier, Willy Favre, Laurent Devernay, Julien Heylbroeck, Stéphane Treille
Editions Sans-Détour
Novembre 2010
256 p.
36 €

Cet article fait partie du dossier SF : Demain, l'humain



 

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