L`Intermède
Plus Shakespeare que Molière
Certains grattent timidement une guitare, griffonent quatre bouts de rimes agrémentées de jeux de mots, susurrent trois phrases sur scène et pensent être originaux en dénonçant l'hyper-communication, l'hyper-présidentialisation, l'hyper-consommation qui gangrènent notre société. En français.
D'autres revendiquent leur héritage anglophone, se frottent à des papes de la musique pop, sortent les percussions, les basses voire les violoncelles, se fichent souvent d'écrire des choses profondes, du moment que ça s'accroche aux tympans et n'en tombe plus, et aiment les harmonies. En anglais.
La preuve par cinq : une galerie de portraits de cette nouvelle génération de chanteurs français qui ont choisi la langue des diphtongues et de ne pas raper les -r- pour faire tinter leurs partitions.

Dossier réalisé par Anaïs Tharaud & Johan Delors
Octobre 2009


5. Exsonvaldes
Le groupe : Les quatre garçons d'Exsonvaldes - Simon, Antoine, Guillaume et Martin, difficile de faire plus français - n'en sont pas à leur premier coup d'essai : déjà deux albums à leur actif, précédés d'EP chantés depuis 2001. Mais c'est avec leur dernier opus que ces quatre parisiens ont pris leur envol.
Les influences : Si invoquer Radiohead est toujours une gageure, il faut bien reconnaître que la voix rèche de Simon, au chant, a des airs de petite soeur de celle de Thom Yorke, mais adoucie par les instrumentations qui font penser au groupe Keane.
Le dernier album : Near The Edge Of Something Beautiful porte bien son nom : les onze titres pop-rock qui glissent d'une traite sur ce disque coloré révèlent de véritables moments de grâce.
Deux passages à ne pas manquer : La mélancolie de "A day like today", et la montée en puissance au milieu de "Everything I see", où les cordes légèrement pincées sont progressivement accompagnées par la basse, les cymbales, pour finalement exploser avec les riffs.
 


4. Pony Pony Run Run
Le groupe : Deux frères, Gaëtan et Amaël, rencontrent Antonin aux Beaux-Arts à Nantes. Le premier à la guitare, le second à la basse et le troisième aux claviers forment bientôt le trio Pony Pony run run : de la pop-rock teintée d’électro, qui brille moins par son originalité que par son énergie.
Les influences : Les années 80 pour les sons synthétiques, mais aussi le rock des années 90. Quelque chose de pop et qui a du punch.
Le dernier album : ...est leur tout premier, sorti cette année. You need Pony Pony run run oscille entre des morceaux assez déjantés et entraînants, et des ballades, mais toujours au son électro de claviers que le revival 80’s envahissant de ces derniers temps nous a réhabitués à entendre.
Deux passages à ne pas manquer : La redoutable efficacité de "First Date Mullet" et la ritournelle de "1997 (She said it’s alright)".


3. Diving with Andy
Le groupe : Juliette Paquereau au micro, Rémy Galichet et Julien Perraudeau aux pupitres : le trio de Diving with Andy donne l'impression de faire de la musique comme il respire, avec un charme et une simplicité désarmants. L'air de rien. Et on est sûr que sur scène, ils sont comme de vieux amis qui proposent de rester à dîner, avec une bonne bouteille. A vérifier les 6 et 7 novembre prochain à L'Européen, à Paris.
Les influences : Un zeste de Doris Day pour l'élégance légère, un soupçon de Sarah Bettens pour la gravité de la voix, et l'ombre d'Emiliana Torrini pour la rondeur du chant.
Le dernier album : Le titre annonce la couleur : Sugar sugar, leur deuxième album sorti le 8 juin, ressemble bien à une série de pommes d'amour imbibées de sucre glace. Mais quand on croque dedans, il reste quelques traces d'acidité.
Deux passages à ne pas manquer : L'alliance de guitares sèches grattées par à-coups et des longues phrases de violon dans "You don't have to cry", et les trémolos en crescendo qui terminent "Merry dance", lui donnant des allures de thème d'un James Bond - bonne période.

 


2. Revolver
Le groupe : Dans leur enfance, Jérémie et Ambroise chantent à la maîtrise de Notre Dame de Paris, puis se perdent de vue. En 2006, ils se retrouvent, et Christophe se greffe au duo : Revolver tourne depuis. Les trois garçons allient la guitare et le violoncelle, les mélodies légères et ciselées et les harmonies vocales dans un mélange soigné. Le succès ne s'est pas fait attendre : leur premier concert d'envergure, à la Boule noire fin juin, affichait complet. Et ils sont actuellement en tournée à travers tout l'Hexagone.
Les influences : Des Beatles, évidemment, à Crosby, Stills and Nash en passant par Purcell, le groupe évolue gracieusement entre la pop, le folk et la musique classique dans un univers maîtrisé et élégant. De la "pop de chambre", selon les intéressés. Tout un programme.
Le dernier album : Leur premier album, Music for a while, est décidément une très bonne surprise. Avec un vrai sens de la mélodie, Revolver nous berce dans une pop d'un autre temps.
Deux passages à ne pas manquer : Les chromatismes de "Balulalow" et le mélancolique "Untitled #2".

 


1. Jil Is Lucky
Le groupe : Le Jil du titre se définit comme un "jeune artiste folk de 25 ans", et il était hier soir, mardi 13 octobre, sur la scène de la Maroquinerie, à Paris. Sous les boucles, une voix tremblante et pincée qui feint de perdre son souffle à chaque fin de phrase. Derrière les boucles, quatre musiciens et voix en costumes de lycra coloré, qui font résonner tambourins et clapent souvent des mains.
Les influences : Ils revendiquent Leonard Cohen, Otis Redding ou encore les Beach Boys - excusez du peu. Nous, on les imagine bien s'écouter en boucle des chansons juives traditionnelles pour bar-mitzva, et un peu de Hawksley Workman. Certains morceaux ne sont pas sans rappeler non plus The Shins.
Le dernier album : ... est en fait le premier. The wanderer ("le vagabond") est sorti en mars 2009, et fait se succéder balades folks, complaintes à trompettes et voix rieuse avec autant de douceur que d'espiéglerie.
Deux passages à ne pas manquer : le passage d'une octave à l'autre à 1:46 sur "Supernovas", et l'instrumentale burlesque qui clôt "Judah Loew's Mistake".