L`Intermède
`Aujourd`hui à deux mains`, installation de la chorégraphe Pascale Houbin au CNDL'expérience des gestes
Jusqu'au 7 Novembre, au Centre National de la Danse, la chorégraphe Pascale Houbin propose une installation intitulée Aujourd'hui à deux mains.

Samedi 17 octobre. Le CND (Centre National de la Danse) est en effervescence. Tout le monde est sur le pont, et pour cause : c'est l’ouverture de la saison. Chacun circule avec sa bouteille d'eau et ses affaires de danse pour rejoindre les différents ateliers (danse contemporaine, classique, baroque, hip hop…), ouverts à tous, répartis dans l'ensemble des studios et présidés par de grands noms : Béatrice Massin, Nicolas Le Riche, Thomas Lebrun ou Kader Attou pour ne citer qu'eux. L'événement annuel que constituent ces Danses partagées en est déjà à sa troisième édition et se déroule le temps du week-end. C'est aussi le premier jour de l'exposition vidéographique Mouvements browniens, sur le travail de Trisha Brown, grande figure de la danse post-moderne américaine. Cette exposition s'intègre dans un hommage plus général rendu à la chorégraphe : trois de ses pièces (Set and Reset, You can see Us, L'Amour au théâtre) ont été présentées dernièrement au Théâtre national de Chaillot et quelques danses des cycles Equipment (1964-1974) et Accumulation (1971-1978) seront à l’honneur les 20 et 21 octobre au CND. Mais ce ne sont pas ces programmes, quoique très alléchants, qui ont guidé nos pas jusqu’à Pantin. Au premier étage, dans le petit studio 4, Pascale Houbin présente Aujourd’hui à deux mains.
 
Les murs sont recouverts de tentures noires. Il fait très sombre. On étoufferait presque. Les grands écrans vidéo, posés à même le sol, qui font acte chorégraphique en présentant les gestes d'artisans au travail ressortent davantage. Quelques ampoules solitaires sont disposées çà et là. Un peu de terre jonche le sol, encadrant les images et dessinant de petits parcours pour les spectateurs-marcheurs. La scénographie est signée Jean-Pierre Larroche. L'univers est très sonore, trop pour cet espace étroit. Le son - distillé à cinq pôles - des interviews, toutefois très enrichissantes, de Brigitte Patient avec Pascale Houbin elle-même et l’anthropologue de la danse, Georgiana Wierre-Gore, se superpose à la musique de Michel Musseau et, quelquefois, aux voix des artisans. Il faut tendre l’oreille pour discerner les informations.
`Aujourd`hui à deux mains`, installation de la chorégraphe Pascale Houbin au CND
Pascale Houbin est indissociable de "cette calligraphie du bout des doigts", comme elle l'appelle si joliment, qu'est la langue des signes. On se souvient bien sûr de la danseuse dans ce célèbre court métrage de Philippe Decouflé, Le Petit Bal, réalisé en 1994. Ayant appris la langue des signes dès 1988, elle réalisa la traduction de la chanson chantée par Bourvil. Nourrie du langage des mains, la danseuse qui est aussi chorégraphe (elle fonde sa compagnie Non de Nom en 1987), s'intéresse, presque naturellement, en 2003, à ce projet sur les gestes de métiers qui fabriquent, produisent, classent ou soignent. Entre autres : pépiniériste, boulanger, croupier, pêcheur.

Tout l'enjeu est de donner à voir des gestes qui habituellement sont cachés par les outils ou la matière manipulés. "Mon rôle de chorégraphe a été de rendre lisible, précis, le geste et d’ôter ce qui l’encombre", explique-t-elle. Et c'est là toute la difficulté. "Sans les outils, les artisans étaient déstabilisés, perdaient leurs appuis ; les gestes étaient de petite ampleur. Il faut fouiller, comme un archéologue, pour que le geste soit révélé dans son essentialité. La personne doit prendre conscience de son geste, l'intérioriser pour parvenir à une qualité de mouvement." L'attention porte sur les mains qui traduisent si bien à elles seules l'expérience et le savoir-faire du corps. Mais alors, où est la danse ? "Mis à blanc", ces gestes sortent de leur quotidien ; ils s’émancipent du métier assigné. Ils deviennent autonomes, comme le geste dansé. "La danse est un art qui est lié au cœur. Ici, il y a une intention, une émotion. Nous quittons le monde de la production pour celui de la beauté." Le geste existe pour lui-même, il n'est plus attaché à un objet. Faire venir le geste à soi pour l'extraire de sa réalité en somme. "De la poésie visuelle."
 
Charlotte Imbault
Le 19/10/09

Aujourd’hui à deux mains, jusqu’au 7 novembre 2009
Studio 4 du Centre national de la danse
1, rue Victor Hugo 93507 Pantin
Entrée libre
Rens. : 01 41 83 98 98

D'autres articles de la rubrique Scènes


Crédits et légendes photos
Vignette sur la page d'accueil : Quentin Bertoux
Photo 1 Quentin Bertoux
Photo 2 Pascale Houbin par Quenti Bertoux