L`Intermède
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Pour les familiers de la Mary Poppins de Walt Disney, la surprise est de taille, tant la comédie musicale sur scène diffère de la version sur grand écran. L'histoire n'a pourtant pas changé, ou si peu : une gouvernante practically perfect débarque un jour de vent à Cherry Tree Lane et répand sur toute la maisonnée une atmosphère magique, réussissant même à désarmer le rigide et autoritaire Mr. Banks, père de deux terreurs qui ont fait fuir toutes les Nannies des environs. Depuis 2004, le vent a fait atterrir la gouvernante au parapluie volant au New Asmterdam Theatre de Broadway, à New York, où elle se produit chaque soir.

À l'origine de l'aventure, un best-seller de 1934, écrit par Pamela Lyndon Travers, qui pose le schéma de la gouvernante-magicienne-poète. Mary Poppins est bientôt suivi des opus Mary Poppins Comes Back en 1935, Mary Poppins opens the door en 1943, Mary Poppins in the Park  en 1952, ainsi que de toutes sortes de produits dérivés, dont un abécédaire (Mary Poppins from A to Z, 1962) et même un livre de recettes (Mary Poppins in the kitchen, 1975). Les Studios Disney Production s'emparent enfin de l'histoire en 1964 et donnent à Julie Andrews son premier rôle important, avec Robert Stevenson derrière la caméra. Et, quarante ans après l'adaptation au cinéma, le mythe de la nounou à la cuillère de sucre qui aide la méd'cine à couler se propulse sur scène, et secoue les planches - ainsi que l'histoire originale. Premier de ces changements notables, le caractère de Mrs. Banks : de suffragette militante, la voilà devenue demi-mondaine, prisonnière d'un mari qu'elle aime et qui voudrait faire d'elle la digne gestionnaire de la maison grand-bourgeoise dont il espère être le fondateur, grâce à son travail à la banque. De ce fait, la dimension scénique du personnage s'étoffe considérablement. Et la comédienne qui lui prête ses traits, Rebecca Luker, se voit ainsi attribuer plusieurs numéros de chant inédits où elle rappelle, nostalgique, son dévouement et son amour pour son mari, ainsi que son désir de lui plaire. Mais "il n’est pas si facile d'être Mrs. Banks".

Bizarrerie de structure apparente : le départ inattendu de Mary Poppins, alors que tant de problèmes restent à régler dans cette maison névrosée, qui fait en réalité référence... au livre. Pour la remplacer, un peu désemparée, Mrs. Banks rappelle la vieille gouvernante de son époux, la terrible Miss Andrew, surnommée par tous les notables qu'elle a élevés "the Holy Terror". Avec son flacon d'huile de méchanceté, il semble probable que ce soit elle qui ait composé l'hymne de la banque que Mr. Banks tente en vain d'inculquer à son indisciplinée petite famille, "Precision and Order". L'apparition de cette créature féroce vaut allusion scénique à Wicked, le plus grand succès américain actuel au rayon comédies musicales. Retour sur Le Magicien d'Oz, le spectacle explique comment la méchante sorcière de l’Ouest (Wicked Witch of the West) est devenue... wicked ! Sur fond d'idéologie de Summerhill, teintée de néo-freudisme simplifié - les parents deviennent méchants et ne mary poppins, broadway, musical, comédie musicale, Nanny,
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Wickeds'occupent plus de leurs enfants -, la leçon du film de Robert Stevenson prend ici un caractère singulièrement caricatural et déplacé, ce qui ne nuit pas pour autant au beau duel chanté entre les deux Nannies, la méchante et Mary Poppins, de retour juste à temps on Cherry Tree Lane, pour l'envoyer, sans autre forme de procès, par la trappe de l'enfer.
 
Si le chant est exécuté dans les règles de l'art, avec la reprise attendue des tubes de R. & R. Sherman - "Chim Chim Cheeree", "The Perfect Nanny", "A Spoonful of Sugar", "Feed The Birds"... -, les chorégraphies n'ont plus le piquant de celles de Dee Dee Wood et Marc Breaux pour Julie Andrews et ses acolytes. Lors de la première visite derrière la réalité du parc, au lieu d'une brillante évocation des contrées magiques du film, ce sont les statues qui se meuvent, remplissant la scène de corps peints en couleurs ternes, aux arabesques répétitives, imprécises et sans vie. La belle valse des ramoneurs est remplacée par un numéro de claquettes avec une vingtaine de danseurs plus ou moins à l'unisson. Ce genre de configuration interdisait a priori une trop grande complexité des pas. On le pardonnerait si l'impression générale n'était pas celle d’une dureté maladroite. Que les chorégraphes - dont le ténor Matthew Bourne ! - aient voulu faire ressortir par là la dure vie des bas-quartiers londoniens, rien n'est moins sûr. Le décor est utilisé habilement, avec l'apparition de danseurs à tous les étages de la maison bourgeoise bien rangée.
 
Autre liberté par rapport au film, l'apparition du mot magique tant attendu, l'inusable "Supercalifragilisticexpialidocious" : à l'origine prononcé par Mary Poppins lors du voyage dans l'univers mi-animé mi-rêvé des dessins, les enfants Banks entendent le mot lors d'un épisode inspiré du livre, une visite dans une confiserie de lettres. Bien que cette situation semble, paradoxalement, moins riche que la séquence correspondant du film, la danse reprend toutefois le dessus. Les danseurs forment les lettres d'abord, mary poppins, broadway, musical, comédie musicale, Nanny,
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Wickedsemble-t-il, au hasard, jusqu’à former un mot. La chorégraphie s'harmonise au chant et au mime. Le nombre de gestes à la minute est d'une virtuosité impressionnante et doté d'un charme certain - celui, au moins, de la mécanique du corps humain qui devient langage.

Encore plus que le film, construit sur le rappel du cerf-volant, symbole des jeux innocents de l’enfance, et d'un rapport équilibré entre le père et sa famille, la comédie musicale multiplie les leitmotivs et les "running-gags". Si le cerf-volant revient ainsi sans cesse, lui qui ramène Mary Poppins de son voyage sur le vent, il faut également compter sur la présence répétée de cette grosse femme et de son yorkshire, empruntés à l'ouverture du film et qui reviennent à plusieurs reprises, sous de plus ou moins bons prétextes. Il y aussi le couple de serviteurs, à la fois images du maître puisqu’ils reprennent en choeur "Precision and Order", et alliés de Mary Poppins, dont chaque apparition s'accompagne d'un éclat de rire, ne serait-ce que par le contraste entre l’épaisse et volontaire cuisinière et son gringalet trouillard de mari. Mais ces allers-retours entre le livre de Pamela Lyndon Travers et le long métrage de Robert Stevenson font que Mary Poppins sur scène peine à trouver l'équilibre. En déplaçant les épisodes ou les morceaux les plus connus, en remplaçant certains éléments, la comédie musicale déstabilise plus souvent qu'elle ne parvient pleinement à créer une atmosphère qui puisse être à la fois neuve et cohérente. Mise à part la performance remarquable des enfants et la qualité du chant, il faut attendre le moment final où la gouvernante, jouée et chantée avec brio par l’excellente Laura Michelle Kelly, "vole" au-dessus du public, pour retrouver l'enfance et son émerveillement naïf et sain, qui font de Mary Poppins la seule et l'unique Nanny digne de ce nom.
 
Raphaël Blanchier, à New York
Le 16/04/10


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Mary Poppins, actuellement à Broadway
New Amsterdam Theatre
Rens. : site officiel
Direction : Cameron Mackintosh
Musique originale : Richard et Robert Sherman,
Musique et arrangements : Gerge Stiles et Anthony Drewe
Chorégraphie : Matthew Bourne et Stephen Mear
Comédiens : Mary Poppins (Laura Michelle), Kelly Bert (Christian Borle), George Banks (Jeff Binder), Winifred Banks (Rebecca Luker), Miss Andrew (Ruth Gottschall)...



 






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Photos : Copyright Disney / CML. Photos par Joan Marcus