L`Intermède
Colloque international Archéologie art contemporain des temps qui se regardent INHA Institut National d`Histoire de l`ArtL'art sur les chantiers
A l'auditorium de l'INHA, deuxième jour du colloque consacré aux liens entre archéologie et art contemporain. Chercheurs et artistes poursuivent de concert leur réflexion autour de l'archéologie et de l'art contemporain dans une diversité féconde et novatrice des approches et des corpus.
 
Ce dernier jour du colloque s’organise autour de deux thématiques : une interrogation autour des méthodes de l'archéologie et leur utilisation en art, et le rapport entre l'archéologie et deux arts représentatifs de la modernité, la photographie et le cinéma.

Ainsi dans la session "Techniques archéologiques empruntées par l'art et méthodologie", Jérôme Moreno - Docteur en Arts plastiques, Toulouse II - propose une réflexion sur l'empreinte dans l’art contemporain et sur le jeu qu'elle induit entre présence et absence du corps, notamment à travers des oeuvres de Javier Pérez, Georges Segal ou encore les empreintes de suie et de poussière de Claudio Parmiggiani. Et Luisa Giacobbe - Doctorante en Histoire de l'art contemporain, université de Florence - présente l'influence du travail archéologique sur les artistes du mouvement Supports/ Surfaces, Claude Viallat, Christian Jaccard… : les processus de stratifications, les empreintes et les traces, le rapport à l’outil et au travail. Colloque international Archéologie art contemporain des temps qui se regardent INHA Institut National d`Histoire de l`Art

Virginie Serna - Conservateur du patrimoine, Service Régional d’Archéologie Centre -, quant à elle, analyse la démarche de Daniel Spoerri et notamment ses "tableaux-pièges" où l'artiste fige une situation quotidienne en fixant les objets, les rebuts, les déchets, comme les restes d’un repas sur une table qui devient alors tableau en basculant à la verticale. Il s'agit de ne pas intervenir sur le réel, de révéler simplement une vérité qui est là, comme en archéologie. Ce faisant, sa démarche transforme les objets eux-mêmes en vestiges.

De même, Jean-Paul Demoule - Archéologue, professeur à Paris I - retrace avec humour l'évolution de l'archéologie et de l'art contemporain autour de la question du déchet. L'archéologie n’est plus une découverte d'objets d'art mais bien l'étude de n'importe quelles traces matérielles laissées par une société. Et, par un étrange effet de miroir, l'art contemporain plonge de plus en plus dans les détritus et les poubelles, à l'instar des artistes Kurt Schwitters ou d’Arman.

Michaël Jasmin - Docteur en Archéologie - présente des artistes intervenants sur sites, parfois invités par des archéologues pour proposer un autre regard sur le chantier de fouille et ce qui y est découvert. D’autre part, il s’arrête sur le travail d’artistes, par exemple Tu Wei-Cheng, créant des faux chantiers de fouille ou de faux objets archéologiques, et questionnant ainsi le rapport du public à l'œuvre, et au travail des scientifiques.

Dans une communication à deux voix, qui décentre légèrement le débat, Catherine Breniquet - Professeur d'Histoire de l'Art et d'Archéologie antiques, Clermont II - et Dominique Jarassé - professeur d'Histoire de l'Art contemporain, Bordeaux III - réfléchissent sur le rapport entre sciences de l'art et sciences de l'homme à travers Les Débuts de l’Art, 1894, ouvrage méconnu du sociologue allemand Ernst Grosse, qu'ils ont réédité. Celui-ci s'interroge en effet sur la nature de l'art et surtout sur la manière de l'appréhender, prônant également une science des arts, englobant tous les arts et toutes les cultures.

Enfin, Juliette Singer - Conservateur stagiaire INP - propose une communication décalée autour du canular de la sirène d'Annecy, un faux squelette de sirène, et présente le travail du photographe Joan Fontcuberta autour du chantier de fouille et de cette découverte fictive, ce qui constitue une parfaite transition vers la dernière partie du colloque "Archéologie et images : présenter-représenter" qui s'interroge précisément sur la photographie et le cinéma.

Ainsi Io Paschou - Maître de conférences en Photographie, université de Ioannina - s'intéresse aux photographies de fouilles de l'Ecole française d'Athènes prises entre 1892 et 1903 sur le chantier de Delphes. Elle analyse l'évolution des pratiques entre les photographies du XIXe siècle et celles prises sur les chantiers au XXe siècle et souligne notamment la présence humaine et le pittoresque des photographies du corpus qu'elle étudie. Ces clichés sont aussi témoins d’une transformation progressive du lieu de fouille en lieu de représentation de l’Antiquité.

Archéologie et art contemporain : des temps qui se regardent - Colloque organisé par l`Institut National d`Histoire de l`Art les 5 et 6 octobre 2009En parfait écho avec cette communication, Yves le Bechennec -Archéologue - et la photographe et l'iconographe avec lesquelles il travaille, présentent leur action sur le terrain et leur pratique de la photographie archéologique des chantiers de fouille, mais aussi des objets eux-mêmes en studio. Ils exposent les difficultés techniques et les enjeux de leur travail à la mission archéologique du 93. Il s'agit à la fois de fournir un travail de référence pour les chercheurs mais aussi de promouvoir ce fonds photographique auprès des habitants pour leur permettre de mieux connaître l'histoire de leur département et de s'approprier ainsi davantage leur espace de vie.

Enfin, Anne-Violaine Houcke - Doctorante en Histoire du cinéma, université Paris-Ouest Nanterre - analyse le film de Federico Fellini Bloc-notes d’un réalisateur, qui date de 1969 et montre le cinéaste en train de faire des repérages pour le Satyricon. Elle montre comment le film se fait retour vers l’origine de l'humanité, du cinéma et du moi fellinien. Les références à l'Antiquité qui ponctuent le film contribuent ainsi à articuler le passé, le présent et l'avenir et ces anachronismes soulignent l'énigmaticité fondamentale de l'oeuvre.

Pour terminer ce colloque, les artistes Eric Rondepierre et Elizabeth Lennard présentent leur travail dans le cadre d'une ultime table ronde. Eric Rondepierre explique en particulier sa démarche dans le cadre de son œuvre Précis de décomposition, se composant de photogrammes de films qui ont été altérés par le temps Colloque international Archéologie art contemporain des temps qui se regardent INHA Institut National d`Histoire de l`Artet dont les marques d'usure s'intègrent dans l'image première, provoquant des effets tout à fait surprenants et resémantisant l’image. Elizabeth Lennard, quant à elle, montre son travail photographique en noir et blanc qu'elle peint ensuite avec des couleurs. Ses clichés portent essentiellement sur un univers urbain, sur des bâtiments en cours de construction ou de destruction ou encore sur des ruines antiques comme en Grèce.

Claire Cornillon
Le 06/10/09
 
Pour le compte-rendu du premier jour du colloque, c'est par ici

Légendes et crédits photographiques
Vignette page d'accueil: photographie d'Elizabeth Lennard
1 Levitas, Javier Pérez
2 Tableau piège de Daniel Spoerri
3 Oeuvre de Tu-Wei Cheng
4 Installation de Virginie Di Ricci et Jean-Marc Musial
5 Précis de décomposition, Eric Rondepierre