L`Intermède
Vincere, Marco Bellocchio, Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi, Vincere o morire, vaincre ou mourir, festival de Cannes, festival de Cannes 2009, drame, cinéma, film, long métrage, duce, MussoliniPas de l'amour, de la rage
Reparti les mains vides du dernier Festival de Cannes, le long métrage historique Vincere de Marco Bellocchio, qui met en scène l'histoire d'Ida Dalser, amante secrète de Mussolini au destin tragique, et fut accueilli tièdement par la Croisette, est une réflexion passionnante sur l'identité à travers l'image, au travers d'une mise en scène flamboyante.

Au pas de course. A peine le pied droit entame-t-il sa descente que le gauche est déjà dans la montée. Ni un trottement de ballade, ni de petites foulées. Au pas militaire, Marco Bellocchio filme dans Vincere l'histoire méconnue d'Ida Dalser, amante cachée, dissimulée, écartée, du dictateur fasciste Benito Mussolini. Le titre du film, "Vincere", est le premier mot de l'expression que le dictateur emploie à plusieurs reprises : "Vincere o morire", "vaincre ou mourir". Pas d'autre alternative. Antigone ou Aïda des temps modernes, comme aime à en faire la comparaison le cinéaste, celle qui s'est battue sa vie durant pour faire reconnaître son mariage religieux avec Mussolini et la naissance de leur fils, Benito Albino du même nom, fait aussi penser au personnage qu'incarnait Angelina Jolie dans un autre film présenté au Festival de Cannes, l'année précédente : L'Échange de Clint Eastwood. Celle-ci se battait pour retrouver son fils, animée par une forme de foi, Dalser se bat pour exister et faire reconnaître son fils. Deux héroïnes rebelles luttant contre un système corrompu, et que le sacrifice n'effraie pas. Naïves, illusionnées. Comme si la vérité pouvait triompher, et jamais éclater autrement qu'a posteriori.

Il aura fallu attendre plusieurs années pour que l'histoire d'Ida Dalser soit rendue publique. Aujourd'hui, deux enquêtes ont été publiées, avec témoignages et documents à l'appui. Parmi ceux-ci, des lettres de Mussolini lui-même, adressées à celle qu'il a rencontrée, épousée et à qui il a fait un enfant dans les années 1910. "Ma petite Ida, Je viens à peine d'arriver, après douze heures
interminables passées dans un train dont je suis sorti noir de la tête aux pieds. Je me suis lavé comme j'ai pu, et ma première pensée, avant d'aller Vincere, Marco Bellocchio, Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi, Vincere o morire, vaincre ou mourir, festival de Cannes, festival de Cannes 2009, drame, cinéma, film, long métrage, duce, Mussolinidîner, est pour toi. Es-tu heureuse ? Diras-tu encore une fois qu'il n'y a que toi qui m'aimes alors que moi je ne t'aimerais pas ?", écrit-il. Et pourtant, sitôt que le militant socialiste belliqueux devient le Duce, il la fait disparaître de sa vie. L'acte de mariage est brûlé, son nom sur l'acte de naissance de leur fils est effacé. Le  dictateur fasciste est déjà marié civilement à Rachele Guidi, et ils ont une fille ensemble. Dans les registres officiels, Guidi restera la femme de Mussolini.

Si la réalisation d'Eastwood sur L'Échange privilégiait la sobriété, celle de Bellocchio est dans l'emphase, ce qui a suscité des avis partagés à la projection du film sur la Croisette en mai dernier. Emportée par le souffle de la partition de Carlo Crivelli, aux forts et beaux accents d'opéra, l'histoire d'Ida Dalser, sous le regard de Marco Bellocchio, a tout d'une tragédie baroque. Les cordes et les cuivres qui vibrent sans cesse pendant ces deux heures de cinéma aux allures épiques sonnent le glas de son héroïne avec superbe et terreur. Des toiles futuristes, mouvement pictural italien du début du siècle qui prônait l'exaltation et la vitesse, sont accrochées sur les murs. La photographie du chef opérateur Daniele Cipri accentue les constrastes. Titres de journaux et mots d'ordre fascistes scandent l'écran, affolant la pellicule qui alterne intelligemment fiction et images d'archives, notamment dans la seconde partie, lorsqu'Ida Dalser n'a plus accès au Duce que par les médias. Et c'est là le propos du film de Bellocchio : montrer comment Mussolini a "
créé le premier un récit basé sur l'image. Avec lui, la politique entre dans le monde de l'image et de l'imaginaire"*, selon les mots du cinéaste. Le contexte politique actuel, avec Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi à la tête de deux États européens, n'est pas anodin.

Vincere, Marco Bellocchio, Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi, Vincere o morire, vaincre ou mourir, festival de Cannes, festival de Cannes 2009, drame, cinéma, film, long métrage, duce, MussoliniAinsi, Vincere est saturé par le grotesque du personnage, le spectacle permanent qu'il impose par ses poses ridicules. Lors d'un interrogatoire, Dalser parle de "farce". Mussolini devient évanescent, un fantasme, une machine à produire du mensonge, des illusions,
du désir. Les femmes qu'Ida Dalser rencontre l'envient d'avoir pu être dans ses draps. Ingéniosité du réalisateur : faire incarner par le même acteur, Filippo Timi, Mussolini lorsqu'il est avec sa femme cachée... et leur fils, devenu adulte. Une façon de montrer que le dictateur échappe toujours, que les masques tournent, et que toute l'identité politique du personnage repose sur quelques rictus et une forte émotion populaire. Sur l'affiche, les lèvres posées contre celles d'Ida Dalser sa main étreint le cou de la comédienne Giovanna Mezzogiorno, dont la beauté n'est pas sans rappeler Romy Schneider, magistrale dans son rôle de femme détruite. Jamais elle ne baisse les bras, ni son regard perçant, baigné dans un vert sépulcral. Au milieu du film, avant son internement à l'asile d'aliénés de Pergine près de Trente en 1926, son ombre sort de la fumée qu'un bombardement a essaimée. Le menton relevé, elle marche, imperturbable. Plus loin, brisée mais invaincue, elle se tourne vers la caméra, et fixe longuement la focale. Courageuse, et digne.
 
Bartholomé Girard
Le 23/11/09
 



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Vincere, drame historique italien de Marco Bellocchio
Avec Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi, Fausto Russo Alesi...
Sortie le 25 novembre 2009
2h08

Dossier de presse











 
Bande-annonce du film (v.o.)


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