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Dancing in Jaffa
Un documentaire de Hilla Medalia
Sortie le 2 avril 2014



En deux mots

dancing in jaffa, politique, documentaire, tolérance, préjugés, Hilla Medalia, Pierre Dulaine, israël, Palestine, enfants, danse, couple, danseur, film, cinéma, Yvonne Marceau, Noor GabaiPierre Dulaine, d'origine palestinienne, ancien champion du monde de danse de salon et créateur du programme "dancing classrooms", est contacté pour implanter le programme en Israël, dans sa ville natale, Jaffa. Il accepte, mais à une condition : il souhaite faire danser ensemble des enfants d'écoles juives et des enfants d'écoles arabes. Quelques écoles acceptent de se lancer dans cette aventure. Hilla Medalia a suivi le danseur et ses nouveaux élèves durant ces dix semaines de travail, filmant les moments de joie mais surtout les difficultés qu'ils ont rencontrés. Lors de son passage à Paris, Pierre Dulaine nous a raconté cette expérience.

Sur quelques images d'archives de Pierre Dulaine et d'Yvonne Marceau effleurant le sol avec grâce et élégance, comme si le mouvement des deux corps se faisaient écho pour ne faire plus qu'un, la voix du danseur explique en voix off : "Je crois que quand un être humain danse avec un autre être humain, il se passe quelque chose. On découvre cette personne d'une manière impossible à décrire." Pour Pierre Dulaine, la danse est avant tout une manière de communiquer, de s'accepter soi-même pour pouvoir accepter les autres."Quand j'étais enfant, j'étais timide et je parlais anglais avec un accent arabe. Les autres enfants se moquaient de moi. J'ai découvert la danse de salon à Birmingham, dans un cours. Je ne savais pas ce que c'était, mais grâce à cela, c'était plus facile de m'accepter moi-même. Et donc j'ai continué."

C'est dans cet esprit qu'il lance le programme "Dancing classrooms" en 1994 à New York : "Si vous vous sentez bien dans la vie, vous avez envie de rendre quelque chose à la société. Et comme la danse m'avait aidé, j'ai pensé qu'elle pourrait aider d'autres enfants. Mais si l'on n'est pas exposé à la danse, alors on n'a pas l'opportunité de découvrir ce qu'elle peut nous apporter." Le programme est mené dans chaque école sur dix semaines pour initier des enfants au monde mystérieux de la danse de salon. L'idée, toute simple, mais pas si évidente à l'époque, est que la danse aidera les enfants à s'épanouir et à apprendre à vivre ensemble. "Certains professeurs étaient réticents, nous confie Pierre Dulaine, parce qu'ils pensaient que cela empiétait sur les heures de mathématiques et d'anglais." Mais le bénéfice de ces cours dépasse largement ce cadre.

Le programme est une réussite et se développe dans de nombreuses écoles aux Etats-Unis et même dans le monde. Et lorsqu'on lui propose d'implanter le programme à Jaffa, il accepte avec enthousiasme. Pour ce palestinien, né en Israël en 1944, l'opportunité de pouvoir offrir ce qu'il a fait ailleurs dans sa ville d'origine est inespérée. Mais son objectif, là encore, dépasse le fait d'enseigner des pas ; il est persuadé que le fait de partager un geste et un espace, dans le cadre de cette activité extra-scolaire, pourra contribuer à rapprocher des communautés et à dépasser certains préjugés. "Ce que je leur demandais, c'était de danser avec l'ennemi", explique-t-il. Un projet de fait particulièrement ambitieux : "ça a été le défi le plus important que j'ai jamais rencontré. Je ne peux pas croire que j'ai réussi à le faire".

Le film commence avec l'arrivée du danseur pour démarrer le programme mais il fallu bien du travail en amont pour qu'il devienne réalité. Il a fallu convaincre les écoles, puis les parents et les élèves. La réalisatrice a choisi quelques uns de ses enfants pour les mettre au coeur de son film. Elle les a suivis chez eux, dans leur famille, et dans leur parcours avec Pierre, du premier contact au concours final entre les différentes écoles. On découvre des parcours variés et particulièrement émouvants, comme celui de Noor qui parvient petit à petit à s'épanouir et à trouver sa place au sein du groupe. Tout se joue dans ce film autour de la dialectique entre l'individuel et le collectif et autour du rapport à l'espace, entre l'espace de l'intime et de l'expérience vécue et celui du politique et de la cohabitation des groupes. "J'ai dit aux enfants dancing in jaffa, politique, documentaire, tolérance, préjugés, Hilla Medalia, Pierre Dulaine, israël, Palestine, enfants, danse, couple, danseur, film, cinéma, Yvonne Marceau, Noor Gabai: 'Voilà M. Daniel, il va filmer, maintenant ne le regardez plus sinon les plans seront coupés.' Il a fait un travail magnifique, filmant de manière intime alors qu'il se plaçait loin", explique Pierre Dulaine.

Alors même que l'enjeu, pour le danseur, est d'investir l'espace de l'école pour en faire un lieu commun, un lieu où les deux communautés peuvent se rencontrer, le film montre comment le processus contamine la vie des enfants qui se rendent chez les uns et les autres, découvrant la réalité de l'existence de leurs camarades, rencontrant réellement, parfois pour la première fois, ceux de l'autre communauté et entamant donc un dialogue. Cependant, le film ne cache jamais la violence du quotidien, les problèmes sociaux ou les préjugés. Il ne laisse pas non plus de côté la difficulté du danseur à faire accepter aux garçons des écoles palestiniennes l'idée de danser avec une fille, dans une communauté où il est interdit aux hommes de toucher une femme. Mais c'est précisément parce qu'il dit ces difficultés que la réussite finale du programme n'en est que plus porteuse d'espoir.

C. C. 
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à Paris, le 13 avril 2014

Dancing in Jaffa
Documentaire de Hilla Medalia
Avec Pierre Dulaine, Yvonne Marceau...
1h24
Sortie le 2 avril 2014


 



 

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