L`Intermède
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CHRONIQUE. À QUOI PENSAIT L'ENTREPRISE KING en développant ses jeux pour smartphones ? Couleurs tranchées. Règle de trois. Cristallisation de névroses. Un petit monde bien réglé dont il est souvent difficile de s’échapper. Candy Crush Saga, Farm Heroes Saga, Bubble Witch Saga... Une invitation à l'épopée, en somme. "Saga", un terme qui peut aussi vouloir dire que l’aventure est loin d’être terminée. Car le joueur est prévenu : une fois plongé dans cet univers, il n’en sortira pas de sitôt.

Par Cassandre Fabre

 
LEADER DE CETTE SÉRIE d’applications développée par la société King, Candy Crush se déguste au gré de la gamme sensorielle. Chocolat, gélatine, réglisse, le tout gagne en saveur si le son est allumé. "Sshrk !" fait le bonbon créé à partir de deux lignes perpendiculaires. "Sswah !" fait la ligne de sucreries balayées par les boules de gomme rayées. La jouissance d’aligner les bleus, les rouges, les jaunes gagne en puissance. Et tout ce petit monde prend vie par un simple glissement du doigt sur l’écran fatigué d’un candy crush, analyse, critique, chronique, farm heroes, bubble, witch, farm, heroes, candy, crush, bonbon, sucre, photo, image, images, jeu, jeux, game, appli, application, smartphone, phénomènesmartphone. Le contact est à la fois éphémère et insistant. Le cerveau a à peine le temps d’en prendre conscience mais la surface lisse de l’appareil est devenue un aimant. Incessamment, le doigt y revient, tentant de résoudre le casse-tête aléatoire de cette pyramide de sucre virtuelle.
 
AU MILIEU DE CE BROUHAHA sensoriel engourdi par une musique de fond, c’est la vue qui prend peu à peu le dessus. Les couleurs deviennent une obsession. Le myope a ses lentilles qui le démange, il en oublie de cligner des yeux. Vert. Des groupes de trois, encore et toujours. Orange. Un quatuor arrache un rictus satisfait. Fuschia. Une famille de cinq provoque un soupir aussi extatique que nerveux. La paranoïa guette. Ce bonbon multicolore, Saint Graal de la saga, il faut en prendre soin. Un effleurement maladroit et c’est la catastrophe. Tant d’efforts réduits à néant pour un simple tremblement digital. Il faut se concentrer, créer une combinaison productive… ou plutôt, donner naissance à l’association la plus destructrice possible.


Protéger et détruire

MÊME S'ILS SONT À CROQUER, ces bonbons, le but est bel et bien de les exterminer. À l’infini. Car malgré leurs désintégrations successives, les sucreries de Candy Crush ne cessent de se renouveler en une pluie multicolore à donner le tournis. L’obsession devient boulimie. Il faut détruire au lieu de manger, candy crush, analyse, critique, chronique, farm heroes, bubble, witch, farm, heroes, candy, crush, bonbon, sucre, photo, image, images, jeu, jeux, game, appli, application, smartphone, phénomènesans craindre l’excès. Creuser une brèche dans le chocolat. Ecraser la gélatine. Gaspiller des sucettes, des rouleaux de coco. Jusqu’à ce qu’un mal de tête lancinant aide la réalité à se frayer un passage entre les lignes acidulées. Jusqu’à ce que ça craque. Comme un ventre tendu par l’excès de gourmandise.
 
AVEC FARM HEROES SAGA, le problème est différent. D'abord parce que les pommes, les carottes et autres oignons qui défilent le long du tableau sont moins appétissants que "kawaii" - terme japonais qui définit le concept de "mignon". Leurs gazouillis de bébé sont saturés de naïveté, à tel point qu’ils en feraient presque pitié. Le mot d’ordre est donné : ici, il s’agit d’un sauvetage en bonne et due forme, pas d’un carnage où les ingrédients assemblés explosent avant de se perdre dans le néant des données. Il faut endosser le rôle d’un héros. Les légumes, les fruits, les soleils et les gouttes d’eau sont récoltés pour être gardés en lieu sûr, échappant ainsi au grand méchant raton laveur du jeu. Pas un instant l’idée que ces petits personnages puissent être à la fin mangés par un hypothétique fermier n’effleure l’esprit. Justement parce que ce sont des personnages. Avec des mimiques, des voix, et des yeux immenses de héros de mangas, ces petits êtres sans défense, cloîtrés dans leurs cases. Le jingle final accompagné d’une pluie de paillettes est signe de gloire. Le niveau est terminé. Il faut passer au suivant sous peine d’être pris en otage par les yeux larmoyants du cochon débonnaire, l’une des mascottes du jeu.


Des ingrédients inépuisables
 
L’INFINI. VOILÀ QUI SEMBLE être le mot d’ordre chez King, qui offre à ses jeux (et à ses joueurs) toujours plus de niveaux à franchir. Que ce soit sur Candy Crush ou Farm Heroes, la ligne d’arrivée est sans cesse repoussée grâce à de nouvelles difficultés liée à l’arrivée d’un nouveau bonbon infernal ou d’une énième graine difficile à planter. Mais avec ses Bubble Witch Saga, la société va encore plus loin. Si la première version du jeu mettait en scène trois sorcières au teint verdâtre plantées dans un graphisme vieilli, Bubble Witch 2 se pare de couleurs flashy et d’une héroïne ultra-féminine. Et c’est reparti pour un tour. Car le but du jeu reste le même : dégommer les bulles de couleurs qui stagnent en l’air, amassées en grappes. La règle de trois est toujours de mise ; c’est le chiffre minimum requis pour que les bulles d’une même couleur tombent dans le chaudron. Cette fois, c’est au cœur même du niveau que l’infini pointe le bout de son nez. Ce n’est plus un tableau immuable qui se dresse devant le joueur comme c’était le cas au candy crush, analyse, critique, chronique, farm heroes, bubble, witch, farm, heroes, candy, crush, bonbon, sucre, photo, image, images, jeu, jeux, game, appli, application, smartphone, phénomènepays des bonbons et des fruits et légumes. Ici, il faut trouver la faille, se frayer un chemin entre les ingrédients de la potion pour avoir une vue dégagée sur la partie en cours. Parfois, la route est si longue qu’il est impossible d’en voir le bout avant trois ou quatre essais.
 
BIENTÔT, C'EST L'ISSUE FATALE. Plus de vie. Frénésie stoppée en plein vol. Le seul moyen de replonger est de harceler ses contacts dans l’espoir que l’un d’eux daigne répondre à cette demande désespérée : "Martin Dupuis t’a offert une vie ! Accepte-la et envoie-lui une vie en retour !" Dignité sacrifiée. Névrose suspendue. Si la réponse ne vient pas dans la minute qui suit, le boulimique en arrive à envisager de donner quelques centimes à King pour recommencer la partie. Car c'est tout l'(en)jeu : faire passer de l'excitation à la frénésie, de la frénésie à l'impatience, de l'impatience à la sortie du porte-monnaie. Mais pour peu qu'on laisse passer un peu de temps, la liberté de penser reprend le dessus. Se déconnecter, reprendre le cours de sa véritable vie devient envisageable. Jusqu'à la prochaine partie.
 
C.F.
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A Paris, le 4 novembre 2014
 
 




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