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The Double
Un film de Richard Ayoade
Sortie le 13 août 2014



En deux mots

the double, double, the, richard, ayoade, Jesse Eisenberg, Mia Wasikowska, Wallace Shawn, film, critique, photo, analyse, cinéma, allemand, expressionniste, kafka, james, simon, submarine, critiqueDès lors que le visage de Simon James apparaît à l'écran, émacié par l'alternance d'ombres et de lumières dans ce train vide qui traverse la nuit, le bruit assourdissant du wagon semble étouffer les battements de son coeur. La mécanique implacable de The Double, nouveau film du cinéaste britannique Richard Ayoade, est déjà en marche. 

Rien - ou peu - à voir avec le précédent long métrage du réalisateur, le subtil et mélancolique Submarine, sorti en 2010. La poésie et la légèreté du premier ont cédé le pas, ici, à un univers kafkaïen où l'on ne voit jamais la lumière du jour. Simon James travaille dans une entreprise où personne ne fait attention à lui. Engoncé dans un costume trop grand, les cheveux plaqués sur le crâne et les lèvres toujours trop humides, Simon est le salarié lambda, celui dont la voix reste toujours au même niveau, qui travaille en silence dans son petit carré d'open-space, qui est secrètement amoureux de la fille au service reprographie, dont le réceptionniste à l'entrée de l'entreprise doit vérifier à chaque fois le badge sans jamais le reconnaître.

Simon est un fantôme ; ou plutôt, une ombre. Et celui qui prend la lumière, c'est ce garçon qui arrive un jour dans l'entreprise : James Simon. Le fameux "double", une copie conforme de Simon mais qui, elle, n'a pas sa langue dans sa poche et vit sans inhibition. Tout ce que Simon n'ose pas faire / dire / penser, James le fait / dit / pense - puissance mille. Si la relation entre les deux hommes est d'abord amicale, voire fraternelle, jouant l'un et l'autre de leur ressemblance physique pour tromper les autres personnages, Simon comprend très vite que James est en réalité son ennemi, et qu'un seul des deux pourra rester.

The Double est un film expressionniste, dans tous les sens du terme. Si le film est truffé de références visuelles au cinéma allemand des années 1920 - mais aussi à Roman Polanski et Terry Gilliam -, c'est parce que l'architecture, le bâti, le concret est, fondamentalement, ce qui structure les rapports entre les êtres. Richard Ayoade crée encore de l'épaisseur physique avec les jeux de lumière et de fumée, comme si la respiration des personnages devenait palpable. Le film ne pourrait être qu'un simple exercice de style s'il n'avait pas l'ambition, dès le départ, de créer un pont entre un cinéma d'auteur qui se revendique comme tel et un cinéma populaire, accessible au plus grand nombre de par sa narration, voire sa dramaturgie.

Dans un monde hostile où chaque élément est une menace pour l'intégrité physique et mentale de Simon, le personnage n'a d'autre choix que de se battre. Et c'est bien le coeur de The Double : comment le réveil d'une conscience mène à la révolte ; comment un homme doit se battre avec lui-même pour, un jour, se libérer et affirmer sa condition d'individu, de sujet. La mise en scène, la musique, la photographie et les sons sont comme un orchestre dont chaque instrument se nourrit des autres, renforçant la cohérence du film, et donnant d'autant plus de force à cette machine infernale, tragique, magnifique.

Dans le rôle principal, Jesse Eisenberg est bouleversant. 


Bartholomé Girard
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à Paris, le 23 août 2014

The Double
Drame anglais de Richard Ayoade
Avec Jesse Eisenberg, Mia Wasikowska , Wallace Shawn 
Sortie en France le 13 août 2014

 
 



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