
C’est qu’elle n’est pas un fait, une chose établie. Pour Pippo Delbono, elle est une étincelle évanescente, une fulgurance que chacun rencontre nécessairement sur son chemin, mais ce chemin peut être long. C’est ce que comprend très vite le public embarqué par les émotions de l’artiste qui prend très tôt la parole pour expliquer l’origine de son spectacle et brosser le portrait de ce Bobo pour et autour duquel il est construit. Happé par la très belle voix de Pippo Delbono et par la puissance poétique du texte qu’il lit et récite tour à tour, le spectateur est tiraillé entre le récit presque désespéré de l’auteur et la mise en scène d’une série de tableaux souvent légers où défilent les membres de la troupe, clowns et danseurs d’un cirque qui vient de perdre son Auguste. Ces comédiens à qui Pippo Delbono décide de ne pas ou peu donner la parole – leur substituant sa propre voix, des enregistrements de celle de Bobò et une bande musicale mêlant tango, musique sacrée ou composition électro – apparaissent comme autant d’incarnations d’une joie qui parfois tarde et peine à se laisser débusquer mais finira toujours par advenir. Ainsi, comme chaque fleur connaît sa saison et finira nécessairement par éclore, chacun des tableaux qui accompagnent le récit de Delbono nous offre un rayon de joie en contrepoint du deuil : une femme qui danse le tango, un travesti chantant de tout son cœur, un homme qui couvre la scène de bateaux en papier ou encore des gerbes de fleurs qui, posées sur un tapis de feuilles mortes, traversent tout le plateau et dessinent, dans la composition finale, un chemin de printemps par-delà la mélancolie de l’automne.



