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Le choix de la rédaction de L`Intermède

Brooklyn Village
Un film d'Ira Sachs
Sorti le 21 septembre 2016



En deux mots
 
 
brooklyn village, brooklyn, manhattan, new york, ira sachs, gentrification, adolescence, greg kinnear, jennifer ehle, paulina garciaLE FILM COMMENCE à Manhattan. Dans un appartement exigu, Jake Jardine, adolescent fragile et solitaire, apprend par téléphone le décès de son grand-père. Fils unique, il suivra ses parents à Brooklyn pour s'installer dans la maison spacieuse laissée vide par le défunt. Le jour du déménagement, ce garçon maladroit et efféminé, incapable de porter ses affaires de la voiture jusqu’à la maison, est aidé par un adolescent qui deviendra son premier vrai ami : Tony, fils de la locataire de la boutique du rez-de-chaussée de l’immeuble. Rien ne semble les avoir prédestinés à se fréquenter : Jake, incarné par Theo Taplitz, a joui d'une éducation privilégiée, ayant grandi "dans la ville".  Tandis que Tony, magnifiquement joué par Michael Barbieri, dégage toute la virilité masculine d’un garçon sportif et sociable à l'aube de la puberté, transmise dans une voix teintée de l’accent populaire de Brooklyn. La caméra d'Ira Sachs réussit pourtant à communiquer le lyrisme de leur rencontre : deux êtres sensibles qui passent leurs après-midi et soirées dans la chambre l'un de l'autre, qui jouent dehors, qui découvrent les limites de leur quartier. Grâce à cette amitié Jake gagnera en confiance, apprenant à faire du roller pendant de longs trajets jusqu’à la promenade en face de Manhattan, des instants idylliques baignés dans une musique onirique. Leur amitié paraît bien partie pour durer.

MAIS C'EST SANS COMPTER sur le pouvoir nocif de l’argent. Thème que ne reflète malheureusement pas le titre français du film, Brooklyn Village. Le distributeur songeait sans doute, en faisant ce choix, à l’image d’Épinal répandue en France, celle d'un quartier bohémien, artistique, et branché. Or, la réalité est tout autre : filmer le Brooklyn du XXIe siècle, c’est mettre en scène un arrondissement transformé par son voisin dont le sépare l'East River, une île dénaturée par l’hyper-capitalisme et la spéculation immobilière. Brooklyn n’échappe pas à la domination de son frère ainé : la vue du pont entre les deux quartiers, montrée à plusieurs reprises pendant le film, symbolise cette connexion. Manhattan, c’est l’avenir de Brooklyn.

LA RELATION entre la famille Jardine et la mère de Tony, devenue tendue dès lors que les premiers s'avisent de vouloir augmenter le loyer trop modique à leur goût que la seconde payait au grand-père, sert de point focal à l'observation de cette réalité sociale. Tandis que Leonor scrute l'arrivée des bobos en fumant une cigarette debout devant l'immeuble, les Jardine, venus en quête d'un jardin, se retrouveront en face des éternels problèmes de leur classe, liés à la pression financière de la vie new-yorkaise. Le chemin vers le paradis ne passe pas par un déménagement, mais par la qualité des relations humaines. Leçon apprise instinctivement par les "little men" qui peuplent le film, et lui donnent son titre dans la version originale. Le départ pour Brooklyn, certes, n'est pas forcément un choix heureux pour les Jardine, mais le film Brooklyn Village vaut bien le déplacement pour le spectateur. Même si, pour arriver au cinéma, il devait traverser un pont.  


Steven Sampson
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Le 30 octobre 2016



Brooklyn Village, un film d'Ira Sachs
Avec Theo Taplitz, Michael Barbieri, Greg Kinnear, Paulina Garcia...

Durée : 1h25
Sorti le 21 septembre 2016 

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