L`Intermède

Alvin Ailey, l'état de grâce
La troupe endiablée du chorégraphe américain revient sur les planches du Châtelet jusqu'au 25 juillet.


Cinquante ans après la création de l'Alvin Ailey American Dance Theater, et deux décennies après le décès de son maître, l’héritage d’Alvin Ailey est toujours aussi vivant. Déjà invitée en 2006 dans le cadre des Étés de la danse à Paris, où elle avait fait un triomphe (45 000 spectateurs), la troupe de danseurs noirs formée par le chorégraphe américain ravive de ses couleurs le théâtre du Châtelet depuis le 6 juillet, pour trois semaines. On peut difficilement imaginer plus bel hommage à l'un des grands créateurs du siècle dernier.

La danse érigée en art de vivre
Né en 1931 au Texas, Alvin Ailey a révolutionné l'univers cloisonné de la danse en créant la première formation où les danseurs noirs occupaient le devant de la scène. Son amour pour cet art remonte à ses 12 ans, lors d'une représentation d'un ballet de la compagnie du Ballet russe de Monte-Carlo à Los Angeles. En 1949, âgé de18 ans, il intègre la formation du chorégraphe Lester Horton, devenu par la suite son mentor. Il croise le chemin de Katherine Dunham et Martha Graham, autres figures de la danse moderne jazz. Et, quatre ans plus tard, prend la direction artistique de la Lester Horton Dance Theater.

En mars 1958, son propre “dance theater” donne sa première représentation à New York. Sur scène, il n’y a que des danseurs afro-américains. Le spectacle est un triomphe, et augure un demi-siècle de succès au cours duquel le chorégraphe, avec sa compagnie, va créer pas moins de 79 ballets, dont l’un des plus célèbres et virtuoses est “Revelations”, joué cet été au Châtelet. Jusqu’à la mort de son créateur en 1989, l’Alvin Ailey American Dance Theater s’est produit sur tous les continents, devant plusieurs millions de spectateurs.
                   
Un enthousiasme contagieux
 Le souci de populariser la danse est au coeur de l’oeuvre d'Ailey qui, depuis ses débuts, mêle danse classique, moderne et africaine à de la musique jazz, blues et negro spiritual. Sur scène, les tableaux colorés se multiplient pour faire éclater le talent des danseurs, qui s’illustrent moins par leur technicité (les portés sont parfois maladroits, la synchronie malhabile) que par leur enthousiasme expansif et, de fait, contagieux.
 
Les corps galbés de la troupe n’ont pas la sécheresse de ceux qui, à force d’étirements, se sculptent des muscles sur-humains. Chez Ailey, il y a de la chair. Ses danseurs sont avant tout hommes et femmes. Il y a aussi des visages, qui se parent des plus beaux sourires : ils ne sont plus des pions, mais de vrais personnages, et chaque scène, aussi courte soit-elle, est dramatisée. Des histoires se racontent, prennent forme, disparaissent aussitôt. L’expressivité est à son plus haut degré. 

Les photographies placardées dans les rues de Paris pour la promotion du spectacle, si elles sont éblouissantes de beauté, ne rendent pas fidèlement compte du style d'Ailey : les danseurs brillent moins par leurs sauts et voltiges que par leur contact avec le sol. Près des planches, la pesanteur se mue en grâce. Et les chorégraphies ne se perdent pas dans leur spécularité : elles trouvent au contraire leur élan dans le retour du public, emmenées par leur recherche impérieuse de susciter l’émotion à chaque instant, que ce soit du rire ou de la fascination. Souvent, le regard de la première danseuse croise celui de quelques spectateurs, qu’elle fixe longuement, comme dans une danse amoureuse.

 
Le 15/07/09
 
 
Alvin Ailey American Dance Theater, jusqu’au 25 juillet
Théâtre du Châtelet, place du châtelet, 75001 Paris
Rens. : 01 40 28 28 40

                                                   


















D'autres articles de la rubrique Scènes


Le célèbre ballet chorégraphié par Noureev, sur une partition de Tchaikovski, fait son traditionnel saut à l`Opéra de Paris pour la fin d`année.Prima Donna, un opéra de Rufus Wainwright

Crédits photos : Andrew Eccles

o